jeudi 31 octobre 2013

Les finalistes du Prix Virilo 2013

revue de presse

Le Prix Virilo 2013 vient de révéler la liste de ses finalistes. Cette récompense qui détonne un peu dans l'univers convenu des prix littéraires se fonde sur des critères qu'il n'est pas toujours évident de bien saisir...Comme on peut le découvrir sur le site dédié à cette récompense.

Néanmoins, le travail de sélection a été fait et voici la liste des finalistes pour le Prix Virilo 2013 :

Faillir être flingué, de Céline Minard (Rivages)

- La Montée des cendres, de Pierre Patrolin (P.O.L)

- Le Quatrième Mur, de Sorj Chalandon (Grasset)

- Au Revoir là-haut, de Pierre Lemaitre (Albin Michel)

- L'Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, de Romain Puértolas (Le Dilettante)

- Kinderzimmer, de Valentine Goby (Actes Sud)

S'ajoute à cela la liste des titres retenus pour le Trop Virilo 2013, avec les commentaires du jury en prime :  

- Le Monde par les couilles, de Gilles Moreton (Elytis Editions) –  « Pour le titre, objectivement. »

Délivrez-nous du corps, de Dominique Simonnet (Plon)

- Je suis un homme, de Marie Nimier (Gallimard) – « Parce que l'on pense que Marie Nimier a écrit ce livre dans l'unique but de gagner le Prix Trop Virilo »

- Les Erections américaines,d'Amanda Sthers (Flammarion) – « Un livre qui se positionne aussi comme finaliste du Prix Pilon 2013, le livre le plus inutile de la rentrée littéraire, battage médiatique compris. »

- La Tête ailleurs, de Nicolas Bedos (Robert Laffont)

Les lauréats seront connus le 6 novembre prochain, un peu avant les résultats du Prix Femina. A dimension fortement humoristique, le Prix Virilo vient chaque année remettre un peu de légèreté au cœur de la saison des prix littéraires, et, il faut le dire, ça fait du bien !

mercredi 30 octobre 2013

citation du jeudi : Paul Valéry



« Les livres ont les mêmes ennemis que l'homme : le feu, l'humide, les bêtes, le temps, et leur propre contenu.  »



de Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry 


Sous l'Occupation, Paul Valéry, refusant de collaborer, prononce en sa qualité de secrétaire de l'Académie française l'éloge funèbre du « juif Henri Bergson ». Cette prise de position lui vaut de perdre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre universitaire de Nice (Centre universitaire méditerranéen). Il meurt le 20 juillet 1945, quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des funérailles nationales à la demande de Charles de Gaulle, il est inhumé à Sète, au cimetière marin qu'il avait célébré dans son poème :
Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes…


Extrait de Moralités

Le beau juif de Ali Al Mokry

 156 pages
  • Editeur : Liana Levi (6 octobre 2011)
  • Dans le Yémen du XVIIe siècle, les communautés cohabitent et s'affrontent. Alors quand Fatima, la fille du mufti, s'éprend du bel adolescent juif qui répare les fenêtres ajourées du palais de son père, leur histoire est forcément destinée à connaître un parcours semé d'embûches. 
  • Quant à l'enfant de cette union interdite, ni les Musulmans ni les Juifs ne veulent le reconnaître. Que son père se convertisse à l'islam n'y change rien. 
  • Et quand, vers 1660, un certain Shabbataï Tsevi prétend être le Messie et redonne vie au rêve d'émancipation des Juifs, les rapports inter-religieux se compliquent encore... Ce roman dresse un tableau vivant d'un Yémen fécond et multiculturel.

DrapeauNé en 1966 à Taizz, Ali Al-Muqri écrit depuis l'âge de dix-huit ans. Collaborateur régulier de journaux progressistes, il est l'auteur d'un essai remarqué sur l'alcool et l'islam. Son premier roman s'attaquait déjà à un sujet épineux, les "Achdam", Noirs arabisés du Yémen.

 lecture d'octobre 2013
 Son second roman, Le Beau Juif, sélectionné en 2011 pour le Prix International du roman arabe, se situe quant à lui dans le Yémen du xviie siècle et relate les amours d'un jeune juif avec une jeune musulmane, sur fond de cohabitation et d'affrontement communautaires

Un roman très poétique deux deux amoureux de religion différent face à l'intolérance et au fanatisme. Très court, et d'une réelle beauté. Probablement le plus beau livre lu cette année.

En ce qui concerne Shabbataï Tsevi, pour en savoir plus, je vous conseille de lire La Folle Rumeur de Smyrne de Claude Gutman.

Challenge littérature Africaine



Dieu regardait ailleurs de Jean-Félix DE LA VILLE BAUGE

bien - 290 pages
  • Editeur : PLON (22 août 2013)
  • BabelioSaint-Pétersbourg, décembre 1916. Quatre hommes décident de tuer Raspoutine. Un député, un prince, un médecin, un grand-duc. 
  • Ce dernier nous raconte. Le meurtre du moine, la première révolution, le massacre des siens. Sa fuite dans les armées Blanches aux mains de chefs fous, les chasses à courre de Juifs. 
  • Puis l'exil à Paris en pleines années folles, les déjeuners avec Cocteau et Balthus, les nuits avec Chanel. Son mariage avec une actrice américaine, la fin du malheur peut-être mais la tuberculose le rattrape. 
  • L'Allemagne nazie lui fait les yeux doux pour lui rendre un hypothétique trône. D'un sanatorium suisse, il nous dicte les souvenirs d un monde englouti.

Jean-Félix de La Ville Baugé a été conseiller d'un homme politique au Cambodge, avocat à Paris, humanitaire au Rwanda, au Darfour et en Tchétchénie. Il dirige désormais un journal et une maison d'édition à Moscou. Il a publié deux romansEntre deux cils (Plon, 2002, Pocket, 2004) et Votre fils (Plon, 2004). - plon

lecture d'octobre 2013

 bienUn homme se penche sur son passé... Le grand duc Wladimir Wladimirovitch nous raconte, avec humour et ironie sa participation au meurtre du staret Raspoutine comme début de la révolution et la fin de sa famille, les Romanov, son exil en France, ses rencontres, sa vie aux Etats-Unis avec son épouse actrice, puis sa fin de vie dans un sanatorium.
Le personnage est loin d'être sympathique, aristocrate décadent, sans le sou, se laissant entretenir par les femmes la plupart du temps, manipulé par tous, mais malgré tout touchant.
Bien entendu Wladimir Wladimovitch n'existe pas, mais il ressemble comme un frère à Dimitri Pavlovitch Romanov.
Un roman intéressant pour ses épisodes historiques, le héros manque de consistance, mais lecture agréable et fin surprenante.
merci encore aux éditions Plon et à Masse critique de me l'avoir offert.

Dans la nuit du 29 décembre 1916 au 30 décembre 1916, le grand-duc Dimitri Pavlovitch participe à l’assassinat de Raspoutine. Le docteur de Lazovert, qui fournit le cyanure, le lieutenant Soukhotine, le député à la Douma Pourichkevitch et le prince Félix Youssoupov, qui avait épousé une nièce du tsar, sont également complices de l’assassinat du « starets ». Après l’assassinat de Raspoutine, il comparaît devant le président du Conseil. Le tsar l’exile alors sur le front de Perse, ce qui lui sauva la vie, à la différence de son père, de son demi-frère et de sa tante.
En effet, ses proches souffrirent beaucoup de la Révolution : son père, incarcéré à la forteresse Saints-Pierre-et-Paul de Petrograd, est exécuté sommairement, tandis que son demi-frère et sa tante et tutrice la grande-duchesse Élisabeth, exilés en Sibérie, sont précipités vivants au fond d’un puits de mine inondé, où ils connurent une mort cruellement lente. Ses demi-sœurs, qui n’avaient pas quinze ans, furent quant à elles violentées par la soldatesque.
Atteint de tuberculose, Dimitri Pavlovitch est recueilli à Téhéran, après la désagrégation du front russe, par le Consul général de Grande-Bretagne en Perse (l’actuel Iran). Il rejoint alors Londres par voie de mer, après un long et difficile périple.
Installé ensuite à Paris, il y rencontre grâce à sa sœur, la grande-duchesse Maria Pavlovna, la couturière Coco Chanel, dont il devient l’amant en 1920. C’est le grand-duc Dimitri Pavlovitch qui dessine alors le flacon du parfum N° 5 de Chanel, sur le modèle des flasques à vodka de la garde impériale3.
En 1926, il épouse, à Biarritz, une riche héritière américaine Audrey Emery (1904-1971), originaire de Cincinnati, titrée princesse Romanovska-Ilinska par le grand-duc Cyrille Vladimirovitch, prétendant au trône de Russie. Il s'installe alors en Floride où il exerce la profession de courtier en champagne. De retour en France, il vit dans le 8e arrondissement de Paris, d'abord au 76,rue de Miromesnil puis 80, boulevard Maurice-Barrès à Neuilly-sur-Seine4, puis enfin à l’hôtel George-V. De cette union naît Paul Dimitrievitch, prince Romanovsky-Ilynsky (1928-2004). Le couple divorce en 1937, Audrey Emery se remariant deux ans plus tard avec le prince russe Dimitri Djordjazé.
Le grand-duc s’installe alors au château de Beaumesnil (Eure), ultime présent de sa femme avant leur séparation. Il meurt de la tuberculose au sanatorium de Davos, en mars 1942, à l’âge de cinquante et un ans, loin de son fils, parti vivre avec sa mère aux États-Unis, et loin de sa sœur adorée, alors installée en Argentine. Son neveu, le prince Lennart Bernadotte, fit inhumer son oncle aux côtés de sa sœur, Maria Pavlovna, dans la chapelle de son château de l’île de Mainau, au bord du lac de Constance.
Le grand-duc Dimitri n'écrivit pas ses mémoires et à aucun moment de sa vie il ne dit mot de sa participation à l’assassinat de Raspoutine.-wikipédia
(illustration : Le grand-duc Dimitri Pavlovitch et son épouse Audrey Emery dans les années 1920.)




Challenge régions Aspho 2013_2
Russie Russie

  1. 100 livres, chez Mylène 
  2.  XXe siècle, chez TÊTE DE LITOTE
  3.   1% Rentrée Littéraire 2013, chez Hérisson (delivrer-des-livres)
  4. challenge histoire, chez lynnae
  5. royal chez Liliba (1ère participation)
  6. " Vivent nos régions ", saison 2, chez Lystig (loiseaulyre) 
  7. Paris je t'aime, chez ogressedeparis et Sharon
  8.  tour du monde en 8 ans, chez Helran 
  9.  "Hiver en Russie" chez cryssildaet Titine
 curiosité de lectrice...

Armes de la dynastie Romanov La Maison Romanov est la dynastie qui régna sur la Russie de 1613 à 1917.
Photographie de Nicolas II de Russie. Nicolas II de RussieNicolas II de Russie (en russe : Николай Александрович Романов, Nikolaï Aleksandrovitch Romanov), de la dynastie des Romanov, né le 18 mai 1868 (6 mai 1868 C. J.) aupalais de Tsarskoïe Selo et assassiné avec toute sa famille le 17 juillet 1918 à Ekaterinbourg, est le dernier empereur de Russie, roi de Pologne et grand-prince de Finlande.
Nicolas II est tsar de toutes les Russies, de 1894 à 1917. Il connaît de nombreux surnoms suivant les époques : « Nicolas le Pacifique », du temps de son règne, puis les Soviétiques le baptisent « Nicolas le Sanguinaire », mais de nos jours la tradition populaire orthodoxe le décrit comme « un saint digne de la passion du Christ ».
Son règne et celui de son père correspondent à l'époque du plus grand essor dans l'histoire de la Russie des points de vue économique, social, politique et culturel. Les serfs sont libérés pendant le règne de son grand-père Alexandre II et les impôts sont allégés. Piotr Stolypine réussit à développer une classe de paysans riches, les koulaks. La population triple et la Russie, avec 175 millions d'habitants, devient la troisième ou quatrième puissance économique mondiale et possède le premier réseau ferroviaire après les États-Unis. Le rouble devient une monnaie convertible et outre un nombre important de marchands et d'industriels, l'Empire possède désormais ses propres financiers. Ils sont souvent des mécènes. La Russie prend, du temps de Nicolas II, la deuxième place dans le domaine de l'édition de livres. De nouvelles universités, des écrivains, sculpteurs, peintres, danseurs... sont à l'époque connus dans le monde entier1. Selon Alexander Gerschenkron« nul doute qu'au train où croissait l'équipement industriel pendant les années du règne de Nicolas II, sans le régime communiste, la Russie eût déjà dépassé les États-Unis ».
Nicolas II gouverne de 1894 jusqu'à son abdication en 1917. Il ne réussit pas à mettre fin à l'agitation politique de son pays ni à mener les armées impériales à la victoire pendant la Première Guerre mondiale. Son règne se termine avec la révolution russe de 1917, pendant laquelle lui et sa famille sont emprisonnés d'abord dans le palais Alexandre àTsarskoïe Selo, puis plus tard dans la maison du gouverneur à Tobolsk, et finalement dans la villa Ipatiev à Ekaterinbourg. Nicolas II, son épouse, son fils, ses quatre filles, le médecin de famille, son domestique personnel, la femme de chambre et le cuisinier seront ensuite assassinés par les bolcheviks dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918.- wikipédia
 Par l'intercession de la grande-duchesse Militza et de sa sœur, la grande-duchesse Anastasia, Raspoutine, qui se dit starets, est présenté à la famille impériale au grand complet, le 1er novembre 1905. Il offre à chacun de ses hôtes des icônes. Le jeune tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie, Raspoutine demande à être conduit au chevet du jeune malade, lui impose les mains, et parvient à enrayer la crise et à le soulager. Selon certains, il ne donne plus d’aspirine au jeune malade, ce médicamentanticoagulant qui aggrave l'hémophilie.
Le moujik acquiert la reconnaissance de la famille impériale et ses proches. Mais la tsarine Alexandra Feodorovna croit que Raspoutine est un messager de Dieu. Invité à leurs fêtes ou réunions, il fait la connaissance de nombreuses femmes riches qui le prennent pour amant et guérisseur. L'une d'entre elles, Olga Lokhtina, épouse d'un général influent mais crédule, le loge chez elle et le présente à d'autres femmes d'influence, comme Anna Vyroubova, amie et confidente de la tsarine, et Mounia Golovina, nièce du tsar. Grâce à d'habiles mises en scène, il se produit à Saint-Pétersbourg ou au palais impérial de Tsarskoie Selo, résidence impériale, dans des séances d'exorcisme et de prières. Des récits de débauches, prétendues ou avérées, commencent alors à se multiplier et à faire scandale.
En 1912, le tsarévitch Alexis souffre d'hémorragie interne que les médecins n'arrivent pas à guérir. Raspoutine est appelé en désespoir de cause, et après avoir béni la famille impériale, entre en prière. Au bout de dix minutes, épuisé, il se relève en disant : « Ouvre les yeux, mon fils ». Le tsarévitch se réveille en souriant et, dès cet instant, son état s'améliore rapidement.
Dès lors, Raspoutine devient un familier de Tsarskoie Selo et est chargé de veiller sur la santé des membres de la famille impériale. Le tsar se figure être proche du peuple car il accueille dans son palais Raspoutine. Cependant, malgré la pleine confiance du tsar, il se rend vite très impopulaire auprès de la cour et du peuple et est vite considéré comme le « mauvais ange » de la famille impériale.
Il ne se préoccupe pas de s'assurer une fortune personnelle, le seul luxe qu'il s'accorde étant une chemise de soie confectionnée par l'impératrice Alexandra et une magnifique croix également offerte par elle. Il conserve ses cheveux gras et sa barbe emmêlée.
Raspoutine se heurte en 1905 au président du Conseil Stolypine, homme moderne et efficace, qui n’accepte pas l'influence de ce moujik mystique. Lors de l'affaire des Balkans, en 1909, Raspoutine se range dans le parti de la paix aux côtés de la tsarine et d'Anna Vyroubova contre le reste de la famille Romanov. Le président du Conseil le fait surveiller par l'Okhrana et Raspoutine est écarté de la cour et exilé à Kiev. Le 14 septembre 1911, l’assassinat de Stolypine met fin aux réformes et permet aussi au « starets » de revenir à la cour. Lors de l'été 1912, le tsarévitch Alexis, en déplacement en Pologne, est victime d'une nouvelle hémorragie interne très importante, après un accident. Raspoutine envoie un télégramme assurant la famille impériale de ses prières et, après la réception de son télégramme, l'état de santé du tsarévitch se stabilise et commence à s'améliorer le lendemain. Cette coïncidence est à l’origine du renvoi de ministres ou de généraux. Raspoutine est toutefois contre l’entrée en guerre de la Russie. Les défaites qu’ils avaient prédites font que l’opinion va jusqu’à lui prêter une relation avec l’impératrice.
L'empereur se montre alors de moins en moins réceptif aux prophéties et aux conseils du faux moine. Mais, en 1915, il est discrédité et le pouvoir se retrouve aux mains de l'impératrice Alexandra Feodorovna et de Raspoutine. Ce dernier est finalement assassiné en décembre 1916 par un agent des services secrets britanniques lors d'un complot organisé par des ultra-monarchistes et menés par le prince Youssoupoff, parent par alliance de l'empereur.wikipédia



Dieu regardait ailleursEn charge depuis trois ans de la rubrique Éminence, Jean-Félix de La Ville Baugé passe exceptionnellement d’intervieweur à interviewé pour la sortie de son roman Dieu regardait ailleurs, aux éditions Plon.
Le Courrier de Russie : Pourquoi avoir choisi la période de la révolution de 1917 pour écrire un roman sur la Russie ?
Jean-Félix de La Ville Baugé : On ne sait jamais pourquoi, on ne sait pas pourquoi on écrit, on ne sait jamais très bien pourquoi on fait ce qu’on fait. Les seuls éléments dont on dispose sont les éléments conscients qui ne sont jamais qu’une partie infime des raisons et qui peuvent émaner de votre histoire ou de votre vie. Je vais tenter de répondre sur ces deux plans tout en estimant que j’ignore la quasi totalité de ces raisons. Du point de vue historique, je dois être marqué par la révolution, du côté maternel, j’ai un ancêtre, Stanislas de Clermont-Tonnerre, qui était président de la Constituante et qui ensuite a été défenestré, et du côté paternel, Pierre-Louis de La Ville Baugé, qui a combattu pendant les guerres de Vendée dont on estime aujourd’hui qu’elles ont constitué un génocide même si le terme n’existait pas à l’époque : on transperçait des bébés à coup de baïonnette, on créait une tannerie de peau humaine, on brûlait femmes et enfants, on a utilisé les premiers fours crématoires… Après, ce qui me préoccupe plus, et c’est plus intéressant parce que c’est plus personnel, c’est la chute, j’ai toujours été fasciné par la chute.
L’empire qui couvrait un quart du monde s’est écroulé en trois jours
LCDR : Comment ça, la chute ?
JFVB : Je me dis que c’est peut-être un pressentiment de ce qui m’arrivera et que je chuterai, peut-être suis je fasciné par le destin que j’aurai qui sera de chuter. Je suis attiré par ces personnages. J’étais attiré par un humanitaire qui chutait dans mon premier livre [Entre deux cils (Plon, 2002, Pocket, 2004)], un garçon de bonne famille qui chutait parce qu’il se faisait violer dans mon deuxième livre [Votre fils (Plon, 2004)] et un grand-duc russe qui chute dans mon troisième livre. Les destins brisés, ça me fascine, et les chutes sont particulièrement impressionnantes quand les gens tombent de haut. Ce qui m’a frappé dans la Révolution russe, c’est la façon dont l’empire qui couvrait un quart du monde s’est écroulé en trois jours. Si je prends l’exemple de notre révolution, les Français ont mis quatre ans à guillotiner leur roi et un siècle à se séparer définitivement de la monarchie, alors qu’en Russie, on a l’impression qu’en trois jours de mars 1917, tout tombe. Il y a quelque chose dans cet écroulement et dans la façon dont les gens n’ont jamais pu se relever qui m’a fasciné. Je me suis dit que dans le même cas je serais pareil, je tomberais et je ne me relèverais pas.
Si on avait massacré toute ma famille, peut être que moi aussi j’observerais ma vie avec un détachement halluciné
LCDR : Comme ton personnage principal, le grand duc Wladimir Wladimirovitch ?
JFVB : Oui, lui non plus il ne peut plus se relever. Il ne peut plus aimer parce qu’on l’a cassé. On l’a beaucoup critiqué, on l’a traité de cynique et de pervers, en même temps, si on avait massacré toute ma famille, peut-être que moi non plus, je n’aimerais plus personne, peut-être que j’observerais tout avec un détachement halluciné.
LCDR : Comment s’est-il imposé à toi ?
JFVB : Il m’a beaucoup parlé mais par des voies très détournées. Il y a très longtemps quand j’avais 18 ans j’ai commencé à m’intéresser à Félix Youssoupov, je ne sais pas pourquoi, je n’ai aucune origine russe, je me souviens avoir trouvé dans des revues une photo de l’escalier du palais de la Moïka où le meurtre de Raspoutine s’était déroulé, et cet escalier m’a marqué. Quand je suis arrivé en Russie en 2006, j’ai commencé à écrire sur Youssoupov et il y a quelques années j’ai dit à ma mère que j’écrivais un livre sur ce sujet, et elle m’a dit « Ah, mais ton grand-père était passionné par Youssoupov ». En fait on croit toujours créer mais on ne crée pas grand chose…
LCDR : Et pourtant, dans ton roman tu relègues Youssoupov au second plan…
JFVB : Oui, dans mes premières versions c’était lui le narrateur, et puis je suis tombé sur ses mémoires et l’homme m’a paru tellement antipathique que je me suis dit que ça ne pouvait pas être lui. J’ai continué à faire des recherches puis à un moment je me suis dit que j’en savais assez pour ne pas dire de bêtises et j’ai commencé à écrire, et là, par des voies mystérieuses, il y a un personnage qui s’est imposé à moi. Le personnage historique dont il est le plus proche, c’est le grand-duc Dimitri Pavlovitch qui lui aussi a participé au meurtre de Raspoutine, puis a disparu des écrans et s’est marié avec une actrice américaine. Ce sont d’ailleurs les deux seuls éléments qu’il partage avec le narrateur, pour le reste, ils n’ont rien à voir.
LCDR : Par quoi ce grand-duc t’a-t-il inspiré ?
JFVB : J’ai aimé deux choses chez lui : il a vécu aux États-Unis pendant une partie de sa vie, il vendait du champagne, et il a laissé des agendas où il n’y a pas un mot sur la Russie, on a l’impression que tout d’un coup, il l’a complètement oubliée. La deuxième chose qui m’a marqué, c’est que Youssoupov était extrêmement désagréable avec ce pauvre grand-duc qui, comme le décrit Maurice Paléologue, était « plein d’élan mais faible, capable de faire preuve de bravoure sur un champ de bataille mais inoffensif dans la vie politique». Et puis un jour, je suis tombé sur une photo de Dimitri Pavlovitch avec sa femme Audrey Aymeri  il était en peignoir, avec un visage d’une souffrance inouïe et en chaussures très élégantes. Et je me suis dit qu’il y avait là quelqu’un à créer.
En Russie, rien ne se passe comme prévu
LCDR : Pourquoi construis-tu ton roman autour du meurtre de Raspoutine ?
JFVB : On lit que ce meurtre, c’est le début de la fin de l’Empire, mais je ne crois pas du tout. Par contre,  ça me semblait être un élément de folie, ce meurtre ne s’est pas passé une seule seconde comme il devait se passer : on donne à Raspoutine tous les poisons du monde, il ne meurt pas, on en essaye d’autres, cela ne marche toujours pas, il boit, il mange, le type qui devait le tuer fait une crise de nerfs, il s’échappe dans la cour, en plus, je ne sais pas si c’est vrai ou pas mais on dit que quand on a retrouvé le corps de Raspoutine, il y avait de l’eau dans ses poumons, ce qui prouve que sous l’eau il respirait encore. Dans ce meurtre, rien ne se passe comme prévu et c’est probablement ça qui m’a marqué. En Russie, rien ne se passe comme prévu, tous les jours j’arrive au bureau, je me dis que je vais faire un certain nombre de choses et ça ne se passe jamais comme prévu, je me dis que c’est le pays qui veut ça. Je ne veux pas que ce meurtre soit interprété comme une annonce de la Révolution, voire même un symbole de la dépravation de la haute aristocratie,on n’a pas besoin de ce meurtre pour la montrer, moi, il m’a intéressé parce qu’il y a un côté fou, halluciné dans ce meurtre.
LCDR : Tu viens de dire toi-même que ton personnage est pervers et cynique…
JFVB : Je ne pense pas du tout que mon personnage soit pervers et cynique, je pense juste qu’il est cassé, incapable d’aimer. Il a été trop marqué par tout ce qui s’est passé dans sa vie pour vivre. D’une certaine manière, il est déjà mort. Il a dû mourir très jeune et toute sa vie durant, il regarde se dérouler son existence. Les femmes essayent de l’accrocher à la vie mais elles ne peuvent plus et au bout d’un moment elles s’écartent. On doit avoir peur d’être avec lui, de pénétrer dans tout ce qu’on imagine en le regardant.
Ce serait peut-être bien pour moi d’être habité par une bergère moldave, cela me changerait…
LCDR : Quels sentiments éprouves-tu envers lui ?
JFVB : Nous avons interviewé ensemble un réalisateur qui avait dit que pour réaliser un film, il faut aimer ses protagonistes. J’ai pensé que c’était idiot et je continue de le penser. Je n’ai pas besoin d’aimer mes personnages, le grand-duc, je ne l’aime pas. C’est lui qui a parlé à travers moi, c’est lui qui m’a habité. Il y a certainement des raisons pour que certains personnages vous habitent. Peut-être, je ne serai jamais habité par une bergère moldave, j’aimerais bien d’ailleurs, ce serait peut-être bien pour moi d’être habité par une bergère moldave, cela me changerait… J’ai l’impression de quelqu’un qui a parlé à travers moi. Je sais que je ne l’ai jamais trouvé sympathique ni courageux ni admirable en rien. Par contre, j’ai sûrement été effrayé et touché par son destin.
Les Blancs ont été des bêtes féroces
LCDR : En regardant la Révolution russe avec les yeux de ton personnage, on a l’impression que les Blancs sont certes des incapables et des faibles, mais touchants dans cette faiblesse, attendrissants presque, toutes ces comtesses qui se retrouvent prostituées parce que leur parole vaut une signature. Les Rouges, en revanche, sont des bandits, pire, des salauds sadiques, des êtres privés de toute humanité, des bêtes féroces… Ne penses-tu pas qu’en éclairant l’événement historique sous cet angle, tu en offres une vision un peu étroite ?
JFVB : Je pense que si je montre les Rouges comme des bêtes féroces, c’est parce que j’ai été habité par un Blanc, c’est lui qui parle et pour survivre, il a besoin de se persuader que les siens étaient bons, beaux, attendrissants et que les autres étaient des bêtes féroces. Mon personnage représente les Rouges comme des êtres privés de toute humanité parce qu’il ne peut pas les incarner, il ne peut pas se mettre à leur place et moi non plus, je me sens incapable d’incarner un commissaire rouge, je n’en ai pas les éléments. Enfin, dans mon livre, je montre aussi que les Blancs ont été des bêtes féroces, qu’ils ont commis des pogroms même s’ils ont été ouvriers chez Renault ensuite.
La vérité a les bras pleins de sang
LCDR : Et qui, d’après toi, détient la vérité ? Les Rouges ou les Blancs ?
JFVB : La vérité, je suis convaincu qu’il n’y en a pas, jamais, les deux camps qui prétendaient la détenir ont tué des millions de gens. La vérité a les bras pleins de sang. Ceux qui détiennent la vérité,je m’en méfie, à partir du moment où un homme vous dit qu’il détient la vérité, il faut le fusiller parce qu’il va certainement tuer les gens qui s’y opposent. Clémenceau disait qu’on ne peut pas critiquer la Révolution française, que c’est un bloc, je trouve que ça fait beaucoup de morts ce bloc, mais en même temps, je pense que si je vivais à la période de la Révolution, en France ou en Russie, je serais plutôt du côté des premiers révolutionnaires, mais pas n’importe lesquels. On les oublie parce qu’ils ont tous été balayés mais en 1917 parmi ceux qui voulaient des changements il y avait des gens intelligents et modérés comme Milioukov ou Nabokov qui étaient pour une monarchie constitutionnelle.
L’antisémitisme était un ciment des Blancs
LCDR : Ce qui m’a heurtée, c’est que les Juifs que tu représentes dans ton livre sont soit des assassins potentiels, soit des traîtres à leur propre peuple.
JFVB : C’est un sujet que je ne pouvais pas éviter. Je ne pouvais pas écrire un roman sur un Russe blanc sans parler de son rapport aux Juifs. J’ai découvert que chez les Blancs il y avait un vrai problème juif que j’ignorais. Pour moi, ils avaient un problème avec les Rouges mais en réalité ils avaient un problème avec les Juifs et c’est un ressort qui aujourd’hui encore fonctionne. J’ai un ami russe, petit fils de rabbin, qui a vécu en France pendant un moment de sa vie. Il est allé à l’église rue Daru et il m’a dit qu’au bout d’un moment, il ne pouvait plus y retourner parce qu’il avait tout le temps droit à des réflexions antisémites. En 2013 j’ai eu des conversations avec des immigrés blancs qui me disaient : « Mais tu comprends untel est juif » et je voyais que ça leur posait un problème. Je pense que leur problème vient du fait qu’il y avait effectivement un grand nombre de Juifs dans les organes révolutionnaires et pour les gens qui ont perdu leur pays, ces Juifs sont ceux qui le leur ont volé. À la fin de mon livre, j’ai rajouté un dialogue qui est une réminiscence d’une discussion entre Nicolas II et les représentants des organisations antisémites en 1905 et qui montre que dès cette date, à la Cour, on se demandait si massacrer les Juifs ne serait pas le moyen de sauver la couronne. L’antisémitisme était un ciment des Blancs.
En Russie, tout est grave. Rien n’est léger
LCDR : Tu montres quelques scènes d’une souffrance tout à fait atroce. Insupportable. Leur lecture coupe le souffle. Penses-tu que la Russie et la souffrance soient indissociables ?
JFVB : Ces scènes se sont imposées tout au cours de la rédaction. Je me souviens très bien de la scène de la soeur du narrateur qui se fait violer puis est mise dans un puits de mine où elle meurt, je me souviens très bien des moments où j’écrivais cette scène et où je vivais cette scène, et maintenant encore, il m’est extrêmement difficile de les lire. Quant à la Russie et la souffrance, je ne crois surtout pas à tout ce qui a été dit sur les Russes qui« veulent » souffrir, il y a beaucoup d’études sociologiques qui montrent que les Russes ne veulent pas souffrir plus que les autres contrairement à ce que dit Soljenitsyne dans le début de L’Archipel du Goulag. Je crois par contre qu’en Russie, il y a une présence extrêmement forte de la souffrance. Un ami français m’a dit un jour, en marchant dans la campagne russe : « Au fond, ici tout est grave, rien n’est léger ». Et dans un pays où tout est grave on souffre, et peut-être plus qu’ailleurs. Je suis convaincu que je n’aurais pas écrit ce livre dans un autre pays que la Russie.
La Russie n’est pas faite pour les idées, elle est faite pour la beauté
LCDR : Un de tes personnages prétend que les Russes ne sont pas faits pour les idées. La Russie serait-elle aussi irraisonnable ?
JFVB : La Russie me semble absolument pas guidée par les idées, elle me semble  guidée par la beauté. J’ai toujours pensé que la Révolution russe, c’était une histoire de beauté. Les révolutionnaires voulaient faire croire aux gens que les idées étaient belles mais une idée, ça n’est jamais beau, une idée, c’est toujours froid. Une idée ne pourra jamais concurrencer un joli visage de femme ou un beau tableau, une idée, ce sera toujours une construction intellectuelle. Dans un sens, la révolution a été une réussite, parce que les révolutionnaires ont pu porter le peuple vers les idées en lui faisant croire qu’elles étaient belles. Ils ont pu le convaincre qu’ils allaient vers un beau monde. Les Russes ont été séduits par la fête et le spectacle de la Révolution, par son aspect esthétique, parce que s’ils avaient réfléchi une demi seconde aux idées qu’on leur proposait, ils auraient fait marche arrière mais non, ils y sont tous allés. Il y avait comme une attirance pour quelque chose de beau, comme « un jeune puceau qui voit une femme nue à la rivière, qui veut l’approcher, qui ne sait pas comment s’y prendre et à qui il arrive toute sorte de malheurs ».
LCDR : Comment est-ce que la Russie t’a changé?
JFVB : Elle a réduit ma capacité à me mentir à moi-même.
LCDR : Qu’est-ce que tu as perdu en Russie ?
JFVB : J’ai perdu l’innocence.