lundi 5 août 2013

Chroniques d'ailleurs de Paul Steinberg

 très bien - 202 pages
  • Editeur : Ramsay (12 janvier 2007)Collection : Ramsay Poche/Récit
  • En 1943, Paul Steinberg, à la veille de ses dix-sept ans, est déporté à Auschwitz. Fait exceptionnel : il sortira vivant de ce camp d'extermination. 

    Après plus de cinquante ans de silence, il restitue l'inconcevable, en des tableaux parfois oniriques dans leur absurdité et leur horreur, La villa pimpante et fleurie du chef de camp au milieu des charniers. Un match de boxe organisé par les SS entre Young Perez et des soldats allemands, un soir d'hiver, le public en pyjama rayé massé autour d'un ring pour voir à l'oeuvre un authentique champion du monde déporté.

    Parce qu'il parle un allemand parfait, l'adolescent échappe à la première sélection. Par chance, il a pu acheter lors de son arrestation un manuel de chimie, qu'il a appris par coeur dans le train de Drancy à Auschwitz. Il réussit donc, par un coup de bluff téméraire, à se faire admettre dans le commando de chimistes qui travaille à la Buna. Il y rencontrera Primo Levi. 

     Et Paul Steinberg aura un jour, beaucoup plus tard, la stupéfaction de se reconnaître dans «Henri», décrit par le récit de Si c'est un homme.

    Mais à cette chance incroyable s'ajoute vite une habileté de vieux routier pour s'orienter dans la jungle du camp.

    Ce récit, exceptionnel, distancié à l'extrême, dénué de tout pathos, est un témoignage majeur dans l'histoire de la Shoah.
    lecture de juillet 2013

     très bien témoignage d'un survivant.

    Un survivant qui va faire face à un kapo juif...  et qui des années plus tard se demandera comment il aurait agit s'il avait été à sa place, l'éternelle question "être bourreau ou victimes".

    Un jour de septembre 1943, deux fonctionnaires de police interpellent Paul Steinberg. Dénoncé comme juif, il n'a que dix-sept-ans. Comme des milliers d'autres, commence alors pour cet adolescent un long voyage vers l'horreur : Drancy, puis Auschwitz. 


    D'octobre 1943 à janvier 1945, Paul Steinberg vit dans l'enfer d'un camp d'extermination. Pourtant, malgré les coups, les punitions abjectes, les humiliations, les maladies, l'adolescent parvient à survivre à cette barbarie qui aurait dû l'emporter. 

     Paul Steinberg est né à Berlin en 1926 de parents russes immigrés qui fuient en France à l'arrivée de Hitler au pouvoir. Le personnage d'Henri dans "Si c'est un homme", de Primo Levi, est inspiré par Paul Steinberg.

     extrait : Le noviciat 

    J'étais en première M, au lycée Claude-Bernard. J'allais avoir dix-sept ans. J'avais passé mon premier bac de justesse, repêché à un point et demi de la moyenne.
    C'était un 23 septembre et je venais de vivre quelques mois d'euphorie absolue, ce qui, en 1943 an de disgrâce, peut paraître peu crédible.
    J'étais victime depuis un an de la fièvre du jeu.
    L'année précédente, un copain de lycée, qui devait par la suite faire une brillante carrière de chroniqueur hippique, m'avait entraîné à Auteuil. Je n'ai pas été difficile à convaincre. À partir de ce jour, j'étais pos­sédé. Je séchais les cours pour aller aux courses, l'hiver je comptais les jours me séparant de la reprise des courses d'obstacles et de plat, Vincennes étant trop loin. En peu de temps j'étais endetté jusqu'au cou, à hauteur de deux ans d'argent de poche.
    Pas un copain de lycée, pas un ami de la famille, pas de vague relation que je n'eusse tapé, jusques et y compris le vieux Russe, prêteur de livres à domicile.
    J'en étais à raser les murs, on chuchotait que j'avais vendu l'argenterie de famille, ce qui était excessif : tout au plus avais-je fauché un peu d'argent dans les poches de mon père.
    C'est à ce stade de détresse que mon jour est venu. Le jour de gloire que chaque joueur rencontre deux ou trois fois dans sa vie. Je devais par la suite en connaître deux autres, beaucoup plus tard, mais n'étant plus joueur je ne fus guère bouleversé par le résultat.

      extrait :
    Le 7 au matin, on nous a embarqués. Transport numéro 60. Mille cinquante êtres encore humains. Cinquante par wagon. Mais ce voyage, l'arrivée choc, ce qui s'est ensuivi pour ceux qui ne partirent pas en fumée le jour même, est encore une autre histoire que je raconterai si je m'en ressens. Restons dans celle-ci.
    À l'arrivée à Buna, on nous colla tous, les trois cent quarante mâles de quinze à cinquante ans, en bonne santé apparente, sous la grande tente réservée aux nou­veaux arrivants. Enregistrement, tatouage, training élé­mentaire aux saluts, à l'appel, à l'étiquette du camp. Réponse aux ordres aboyés en allemand, préparation à la trique pour les esprits lents. Je faisais mon boulot. J'ai fait enregistrer le Champion sous sa qualité d'ex-cham­pion du monde. Robert Lévy sous la raison sociale de champion de France ; ceux qui savaient bricoler, soit comme menuisier, serrurier ou peintre en bâtiment ; moi-même comme chimiste. J'étais l'un des deux ou trois plus jeunes du lot, rose et imberbe, ce qui me valait quelques sympathies, pas toutes très avouables, chez leshauts dignitaires. D'eux, j'ai pratiquement appris tout ce qu'il fallait savoir pour survivre plus longtemps.
    Au cinquième jour, le Champion fut affecté aux cuisines, sort enviable entre tous, assurant la survie alimentaire. Quelques échos glanés de-ci de-là me donnèrent à penser qu'il y avait là non pas un égard pour sa gloire sportive mais un projet. Je sus dès le lendemain ce qui se préparait. Le Champion devait se remettre en forme. Trois heures d'entraînement par jour. Corde à sauter, footing, shadow-boxing.



     extraits : Le dernier combat 

    J'ai rencontré Young Perez, de son vrai nom Victor Younki à Drancy. Il était sonné. Punch drunk, disent les Anglais. Il avait pris beaucoup de coups et, même chez les poids mouche, les coups reçus s'additionnent. Il avait la parole embarrassée et la compréhension lente et laborieuse, mais c'était la crème des types, généreux, bienveillant, souriant dans le vide comme si ses yeux étaient restés fixés sur sa gloire passée.
    Il n'avait pas combattu sur un ring depuis 1937. Son dernier adversaire, à mon avis, a dû être Valentin Angelmann, alors débutant. Son titre de champion du monde datait de 1934.
    Il ne devait plus lui rester grand-chose de ses gains passés. Les boxeurs sont plus cigales que fourmis. Il avait toujours eu le billet facile.

    On l'avait arrêté à Belleville et, du même coup, on avait ramassé sa cour d'admirateurs, devenus par la force des choses désintéressés. Il s'agissait d'un ou deux jeunes boxeurs de seconde série, de ceux qui font les premiers combats du central - il me souvient entre autres d'un poids coq, Robert Lévy, qui me prit en amitié, d'un manager, de sparring partners et de quelques gamins sportifs en tous genres.
    J'étais à l'époque fidèle lecteur de L'Auto, L'Équipe de l'époque. De l'athlétisme à la natation, de la boxe au foot, du cyclisme au basket, je suivais tout avec assiduité. Je connaissais le record de Valmy sur cent mètres, celui de Hansenne sur huit cents. Je suivais les duels de Hatot et Jesum sur cent mètres nage libre en une minute une seconde, temps qui aujourd'hui ne leur permettrait pas d'entrer en demi-finale du championnat féminin.
    Les exploits d'Emile Idée ou de Goutorbe me comblaient et j'étais grand supporter de l'US Métro et du PUC en basket, de Destremeau et Petra en tennis, du Racing en foot.
    C'est dire qu'avec Young Perez j'étais sur mon terrain.

     Le mot kapo désigne les personnes qui étaient chargées d'encadrer les prisonniers dans les camps de concentration nazis. Les kapos étaient souvent recrutés parmi les prisonniers de droit commun les plus violents ou parmi ceux dont la ruse ou la servilité avait permis de figurer parmi les anciens, en échappant provisoirement aux « charrettes » menant à l'extermination.


     Durant la guerre, IG Farben soutient le gouvernement nazi qui veut l'associer dès 1940 à l'Ordre économique nouveau, en lui permettant de bénéficier d'une main d'œuvre peu chère (début 1941, IG employait 12 360 étrangers, dont 2 162 prisonniers de guerre 6) et d'un « bloc économique allant de Bordeaux à Sofia »7, et tout en poursuivant une stratégie de cartel visant à dominer le marché mondial de la chimie des colorants de l'après-guerre8. La victoire des Alliés sur l'Allemagne s'est aussi conclue par le déclin d'IG Farben8. L'entreprise n'adhère pas à toute la stratégie nazie qui projetait notamment une fois la guerre terminée de délocaliser dans les pays périphériques la chimie allemande9.
    En 1939, IG Farben profite de l’Anschluss pour acquérir la totalité de l'industrie chimique autrichienne. Dans le même temps, l'entreprise veille à ne pas entrer en concurrence avec des entreprises d’État (dont le Reichswerke Hermann Goering ou des concurrents privés allemands (qui n'existaient pas dans le secteur des colorants10. Elle fera de même dans les pays occupés durant toute la Seconde Guerre mondiale, en particulier en France en zone occupée avec la création de la société Francolor (filiale à 51 % d'IG Farben)10.
    En novembre 1940Hermann Göring (chef du Plan économique de quatre ans) négocie avec la société I.G. Farbenindustrie l'installation d'une usine en Silésie, dans le territoire du village de Dwory, sur une zone d'activité qui accueillera aussi des usines de KruppSiemens et d'autres, à 7 kilomètres environ au nord-est du camp d'Auschwitz), choisie car bien reliée à Berlin, Varsovie, Vienne ou Lemberg.
    De 1939 à fin 1941, IG Farben réclame peu de travailleurs étrangers et/ou forcés, puis de 1942 à fin 1944, il en demande de plus en plus (plus que la moyenne des autres industries allemandes), alors que le groupe concentrait sa production en Allemagne centrale et de l'est moins peuplée. Même dans ses usines de Leverkusen et Hoechst situées plus à l'ouest et utilisant le plus de civils salariés, IG farben dépassait la moyenne allemande de 7,1 % de travail forcé avec des taux de 36,4 % à 29,3 %11. De plus, dès 1942, Farben fait transférer des« groupes entiers (y compris chimistes et contremaîtres) » des usines Francolor (filiale du groupe) dans ses usines de Ludwigshafen et Oppau pour ne pas avoir à produire aussi à l'ouest12semble-t-il aussi pour limiter les risques de voir son savoir-faire passer à l'étranger, ce qu'il payera après la libération car cet hégémonisme a encouragé les Alliés à casser l'outil de production d'IG Farben en 1945. Le 27 mars 1941, les SS du camp d'Auschwitz s'accordent avec les dirigeants d’IG Farben sur le fait que la journée de travail des prisonniers serait de 10-11 heures en été et de 9 heures en hiver, pour une location de 4 marks par jour pour des ouvriers qualifiés et de 1,5 mark/jour pour les ouvriers non qualifiés ; ce prix augmentera à partir de mai 1943 (jusqu’à 6 marks/jour pour un ouvrier qualifié prisonnier et 4 marks/jour pour un ouvrier non qualifié, soit deux fois moins qu'un salaire d'ouvrier libre (1 mark valait alors environ 2 euros) ; ces ouvriers mouraient généralement d'épuisement en 6 mois environ13.
    L'usine sera dite « Usine de Buna », des mots allemands Butadien et Natrium, désignant un caoutchouc synthétique (produit à partir de chaux, d'eau et de charbon).
    IG Farben finance le camp de Monowitz-Buna (ou Auschwitz III), qui est un sous-camp dépendant d'Auschwitz, construit en octobre 1942 comme un Arbeitslager (camp de travail) mais comprenant une forte composante d'extermination. Il contiendra environ 12 000 prisonniers, surtout Juifs, sans femmes, avec quelques prisonniers de droit commun et politiques. Les détenus feront à pied les 14 km/jour pour aller et revenir à l'usine, avant qu'un train ne leur fasse faire la route. Dès mi-avril 1941, IG Farben construit son usine avec de nombreux prisonniersloués aux nazis (en provenance du camp de concentration d'Auschwitz, voisin). L'usine doit aussi produire de l'essence synthétique. Les Allemands avaient besoin de ce caoutchouc synthétique, car ils ne disposaient pas de colonie riche en hévéas (comme les colonies britanniques ou françaises d’Asie). L'Allemagne avait entamé une production de caoutchouc synthétique dès la Première Guerre mondiale, mais durant la Seconde Guerre mondiale, IG Farben, à cause notamment des bombardements alliés, semble n'avoir pas pu produire de caoutchouc synthétique à Auschwitz.
    En juin 1943, pour contourner la pénurie de caoutchouc, un Kommando extérieur de prisonnières (comprenant des agronomes) a été créé à Raïsko, ainsi qu'une station expérimentale devant cultiver des plantes à latex, dont un pissenlit (le « kok-saghyz »), mais sans pouvoir assurer une production industriellement satisfaisante. (Ce « komando » a inclus les résistantes du groupe de Charlotte Delbo).
    Comme toute l'industrie chimique allemande, IG Farben automatise les procédures lourdes de la production, ce qui lui permet d'augmenter de 67 % son taux de main-d'œuvre féminine de 1938 à 1940, soit trois fois plus que l'industrie allemande qui en moyenne ne l'a augmenté « que » de 12,6 % (avec un chiffre réel des femmes au travail en Allemagne demeurant presque constant10.
    IG Farben poursuit sa stratégie libérale et agressive de cartels internationaux pour à la fois stabiliser et de se répartir le marché mondial, avec une politique de négociations commerciales, voire d'aide et orientation du développement des « jeunes pays » pour y créer une demande et des marchés4. C'est pourquoi le groupe se garde de rendre visible ses projets hégémonistes et déclare au Reich ne souhaiter dans le nouvel ordre industriel préparé par les nazis qu'« une position de leader » correspondant à ses compétences techniques, économique et scientifique». Dans ce cadre, elle dira avoir cherché à négocier des accords de cartels avec ses concurrents étrangers et dans les pays occupés, sans volonté de pillage et en ayant limité ses exigences à la propriété pour moitié des principales usines de colorants et en ne demandant que la fermeture immédiate de quelques entreprises concurrentes 14. Le groupe s'oppose ainsi au programme nettement plus dirigiste et bureaucratique du Dr Claus Ungewitter(responsable du Groupement économique pour l'industrie chimique15 qui visait un grand plan directeur construit par le ministère nazi de l’Économie destiné à dominer le marché de la chimie de toute l'Europe, mis en œuvre par un cartel d'encadrement constitué des cartels européens et des syndicats dirigés par des directeurs de sociétés allemandes et supervisés par l’État nazi qui ferait passer ses intérêts avant ceux de IG Farben16.
    De plus, l’une de ses filiales, la Degesch, produisant le gaz Zyklon B, initialement utilisé comme insecticide et raticide, en produira de grandes quantités pour les nazis qui les utiliseront dans les chambres à gaz de certains camps d’extermination. Pour satisfaire à la demande grandissante de main-d'œuvre, la société exploita aussi des travailleurs forcés dans plusieurs camps de travail. Au faîte de sa puissance, le conglomérat employa environ 190 000 personnes, dont 80 000 travailleurs forcés.
    À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain envoya Charles Eliot Perkins prendre en charge IG Farben. - IG Farben (wikipédia)

    Challenge régions Aspho 2013_2
    DrapeauDrapeau     Allemagne nazie -  Pologne -  Auschwitz

    1. chez Mylène   100 livres dans l'année
    2. chez TÊTE DE LITOTE   challenge XXe siècle 
    3. chez Mazel : littérature juive - Littérature de la Shoah
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