jeudi 18 juillet 2013

revue de presse : Décès de Henri Alleg, l'auteur de "La question" dénonçant la torture en Algérie


HenriAlleg

Le journaliste et militant communiste Henri Alleg, auteur de l'ouvrage "La Question" (1958) qui dénonçait la torture pendant la guerre d'Algérie, est décédé mercredi à Paris à l'âge de 91 ans, a-t-on appris auprès du quotidien l'Humanité dont il fut secrétaire général.

Publié à l'époque aux éditions de Minuit, ce livre-témoignage avait été saisi au lendemain de sa parution.

Henri Alleg en décembre 2005 à Toulouse.CROISEMENT DES CULTURES

Né le 20 juillet 1921 à Londres, de parents juifs russo-polonais, Alleg est un melting pot à lui tout seul : britannique par sa naissance, il sera français par choix quand sa famille s'installe au nord de Paris, puis algérien par adoption après l'indépendance de 1962. L'envie de bourlinguer le saisit en 1939 au moment où débute la Seconde Guerre mondiale. Il songe à l'Amérique mais débarque à Alger. Coup de foudre. Il ne quittera plus ce pays.

Son peuple, s'il en faut un, sera le peuple algérien, celui du cireur de chaussures qui l'appelait " rougi " pour ses taches de rousseur. Le moindre geste de fraternité humaine fait fondre ce petit bonhomme aux yeux rieurs, qui raconte des histoires à n'en plus finir : juives ? arabes ? anglaises ? parisiennes ? Ce croisement des origines et des cultures, hors de toute domination de classe et de "race", c'est très exactement l'idée qu'il se fait de l'Algérie et au nom de laquelle il honnit le colonialisme.

DANS LE CAMBOUIS DE L'HISTOIRE

Alger républicain en est le porte-drapeau, ne serait-ce que par deux signatures qui jalonnent son histoire : Albert Camus, le pied-noir, qui veut des Français égaux des deux côtés de la Méditerranée mais ratera la marche suivante, celle de la décolonisation ; Kateb Yacine, le Berbère, qui cultive une Algérie indépendante, multiethnique, multiculturelle, politiquement pluraliste. Cet idéal, Alleg n'hésite pas à le défendre contre l'hégémonisme du FLN quand celui-ci accapare le pouvoir, avec Ben Bella, en juillet 1962. Une nouvelle interdiction d'Alger républicain en 1965, sous Boumediene, provoque son départ pour la France.

Il signera, en 2000, l'Appel des Douze "pour la reconnaissance par l'Etat français de la torture", aux côtés de Germaine Tillion, d'une idéologie pourtant sensiblement différente, parce que le texte indique bien que "la torture est fille de la colonisation". Jusqu'au bout, il avait poursuivi sa recherche éperdue d'un monde d'hommes libres, égaux, et associés - qu'il identifiait au communisme.

Refusant de "céder du terrain à l'adversaire", il était resté longtemps, en dépit de tout, solidaire des pays socialistes. En désaccord sur ce plan avec le Parti communiste français, il n'avait pas aimé non plus les "dérives social-démocrates"qui, à ses yeux, dénaturaient le marxisme. Endurci par son combat Henri Alleg avait mis les mains dans le cambouis de l'histoire. D'autres se flatteront d'avoir les mains pures. Mais, pour reprendre une formule de Péguy, "on peut se demanders'ils ont jamais eu des mains"...

Charles Silvestre, ancien rédacteur en chef de L'Humanité, coordinateur de l'Appel des Douze contre la torture
La QuestionLa Question est un livre autobiographique d'Henri Alleg, publié en français en 1958 et en anglais. Il y narre et dénonce la torture des civils pendant la guerre d'Algérie.


Henri Alleg est arrêté le 12 juin 1957, soit le lendemain de l'arrestation de Maurice Audin, par les hommes de la 10e division parachutiste. Il est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé et subit de multiples interrogatoires, dont un mené après une injection de penthotal. Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. C'est là qu'il écrira La Question, dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.
Le livre s'ouvre avec la formule : « En attaquant les Français corrompus, c’est la France que je défends. » Il y accuse nommément Philippe Erulin1 d'être le principal auteur de sa torture, ainsi que ses complices subalternes. Roger Faulques est également présent à un moment de ses interrogatoires2, se vantant d'être « le fameux capitaine SS ». Jacques Massu, au travers de son aide de camp le lieutenant Mazza, est cité, mais n'est pas présent.
Henri Alleg fait dire à l'un de ces officiers :
« Tu vas parler ! Tout le monde doit parler ici ! On a fait la guerre en Indochine, ça nous a servi pour vous connaître. Ici, c'est la Gestapo ! Tu connais la Gestapo ? Puis, ironique : Tu as fait des articles sur les tortures, hein, salaud ! Eh bien ! maintenant, c'est la 10e D.P. qui les fait sur toi3. »
 Censure :
Dans La Question, il raconte sa période de détention et les sévices qu'il y a subis, en pleine guerre d'Algérie. Tout d'abord publié en France aux éditions de Minuit, l'ouvrage est immédiatement censuré. Les exemplaires mis en vente sont saisis le 27 mars malgré les interventions de André MalrauxRoger Martin du GardFrançois Mauriac et Jean-Paul Sartre auprès du président René Coty4Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction frappant en France. Malgré son interdiction en France, ce livre a considérablement contribué à révéler le phénomène de la torture en Algérie en confortant les témoignages qui s'étaient multipliés dans la presse au cours de l'année 1957. Sa censure n'a pas empêché sa diffusion clandestine à 150 000 exemplaires5.

Cinéma : 
La Question de Laurent Heynemann, sorti sur les écrans en 1977, est une adaptation du livre, avec Jacques Denis dans le rôle d'Henri Charlègue, Nicole Garcia dans celui de sa femme, et notamment Jean Benguigui. Le film ne reprend pas à l'écran toutes les descriptions terribles d'Alleg mais était sorti avec une interdiction aux moins de 18 ans. Laurent Heynemann remporta en 1977 le Prix spécial du Jury au Festival International du Film de Saint-Sébastien. - wikipédia

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